quelle est la solution face à cette contrainte économique si le travail du sexe est illégal et inexistant? Des allocations préventives?
Le modèle suédois, abolitionniste donc, propose des aides comme alternatives à la prostitutions. La piste de la solidarité pour permettre à tous de vivre décemment, c'est pas impossible, c'est que les responsables politiques et les puissants veulent rendre cette réalité impensable, et cette idéologie de la crise et du capitalisme, ça leur sert. Mais personnellement, je crois à la possibilité d'un revenu universel. Et je crois au vivre ensemble quand le projet commun est de protéger les plus vulnérables et les plus démunis, pas en légiférant pour que les plus privilégiés puissent profiter des situations des personnes contraintes à attenter à leur intégrité pour vivre. Chez les abolos il ne s'agit pas de sanctionner les personnes en situation de prostitution mais pénaliser l'achat. Ce qui rend possible "l'activité" pour la minorité qui échappe à la traite ou tout autre forme d'exploitation.
Mais voyons comme tout ce vocabulaire est pervers. Je ne veux pas déterminer pour celles qui se sentent actrices de leur choix, qualifier ce qu'elle font. Si une femme me montre comme elle se sent forte et décideuse dans sa démarche pour quelques choix de vie qu'elle fait, je l'écoute et me montre bienveillante. Nous sommes tous avec cette question de nos choix, qui nous appartiennent plus ou moins, qui sont déterminés par nos trajectoires, vis à vis desquels nous sommes plus ou moins conscients. C'est pas tenable le "choix" pour réfléchir à légiférer sur la prostitution, comme ça ne l'est pas pour la vente d'organe (désolé de la récurrence de l'argument) ou pour la GPA, tiens pour changer, c'est le même domaine pour moi. Il s'agit de penser un projet de société que l'on considère comme acceptable pour vivre ensemble dignement (pas version "prude" comme sont souvent taxés les abolos par la toute puissante industrie du sexe, voilà encore comment détourner de façon perverse les termes du débat et enfumer tous le monde, je parle dans le sens "respect de la dignité des êtres vivant" comme on le souhaite pour les animaux, en tant qu'ils ont des buts et qu'ils sont leur propre fin), comme l'inaliénabilité des individus qui la composent. Que les relations sexuelles non désirées et dans le cadre de transactions économiques portent atteintes à la santé mentale, c'est comme ça, ptêt c'est parce qu'elle est patriarcale et anti vie notre société et que sous d'autres soleils ce serait autrement mais c'est bien dans cette réalité qu'on vit. On dit qu'il y a des exceptions. J'ai pensé ça de moi. Mais qu'est ce qu'on fait pour toutes les autres? Qui ne sont pas des exceptions? Mais encore, c'est pas si simple car je sais aussi comme c'est pas viable quand on se prostitue de se considérer dans toute sa détresse, comme j'ai voulu croire que je prenais le contrôle de mon corps, de ma sexualité en me coupant de ce que je ressentais, de prendre une revanche sur les hommes que je faisais payer. Que pouvais je faire, admettre que c'est eux qui avait le contrôle? Qu'il m'utilisaient? J'avais besoin de croire pour continuer sans m'étouffer dans toute ma m. Je serai la seule à pouvoir expliquer ma venue en prostitution en partie sur ces ressorts? La seule que l'inceste a façonné à se croire indigne et faite pour l'usage du plaisir égoïste des autres? Ben non, il y en a beaucoup d'autres, et des spécialistes qui font les liens entre prostitution et passé d'agressions sexuelles. La traumatologie explique bien cela. Mais tout le vocabulaire est pervers et nous empêche de penser la prostitution en dehors des systèmes de références du libéralisme. Et ça tue (dans le débat public hein, pas ici entre les murs du forum, attention je n'accuse rien ni personne) celles qui veulent parler ou qui voudraient le faire. "Activité" "travail", "choix", "prostitution choisie versus traite": à qui profite ce modèle de pensée? Alors quoi les femmes comme moi on serait des frustrées qui crachent dans la soupe d'un job en or? Qui a des intérêts dans ce commerce des corps si lucratif, qui fait fortune? Qui est détruit physiquement, psychiquement?
Et aussi, parce qu'on arrive pas à un consensus entre toutes nos opinions alors on ferme la discussion? Il faut vraiment arriver à quelque chose sur le fil ou n'importe quel autre fil du forum pour légitimer la poursuites d'échange? C'est pas ma façon de voir. Je suis bien contente que la discussion suscite des réflexions, même lorsque je ne pense pas pareil.