"Oui Christiane Taubira est un singe. Et moi aussi."

Un truc qui va dans le sens du message d'yvesantisp, et qui me faisait aussi penser au bouquin Un éternel Treblinka, c'était que dans une société où il est justifié de faire subir à peu près n'importe quoi à un animal dès qu'il n'est pas humain, il suffit de quelques années de "les Juifs/les Noirs/les Roms/... ne sont pas 100% humains" pour faire passer des atrocités à leurs égards aussi. Et que donc, défendre les droits des animaux, déjà c'est défendre les droits des animaux, ce qui est une raison largement suffisante en soi, mais c'est aussi prévenir des massacres humains, car il semble beaucoup plus solide de condamner les massacres, tous les massacres, que de partir du principe que les massacres sont autorisés s'ils concernent une catégorie d'individus, quelle qu'elle soit, car après il est plus facile de juste faire switcher un groupe d'humain dans la catégorie à génocider. (Je sais pas si c'est clair ?)

Du coup, quand tu dis, Synae :
Tu penses vraiment, yvesantisp, qu'il sera plus difficiler de "dé-sentienciser" que de "dés-humaniser" ? On peut ne pas être considéré humain alors qu'on l'est, on peut de même ne pas être considéré sentient alors qu'on l'est... Est-ce que celui qui déshumanise a un réel doute scientifique sur la condition humaine de celui qu'il opprime, ou est-ce qu'il invente ce doute comme prétexte à une déshumanisation qui l'arrange bien ?
Pour yvesantisp, je ne sais pas, mais moi, oui je pense qu'il est plus difficile, dans une société fictive où le meurtre d'être sentient est moralement condamné, d'introduire des massacres, quels qu'ils soient, que dans notre société, où on apprend que les abattoirs sont normaux...Par contre, je suis bien d'accord que celui qui déshumanise justifie ses crimes avec ce qu'il peut, et non pas l'inverse. J'ai juste l'impression que ce serait plus difficile si on avait pour habitude de considérer les animaux, les individus avec leurs intérêts et leur sensibilité, que si on a, comme maintenant, le réflexe de raisonner en catégories hiérarchisées.

Il me semble qu'être catégorisé n'est pas un problème en soi, c'est un outil pour penser les groupes et les sociétés
Je suis d'accord; je n'imagine pas une société idéale avec plus aucun mot pour décrire les différentes espèces animales du tout; par contre, on a la sale habitude, difficile de s'en défaire, de lier intimement les catégories avec les hiérarchies, de réprober/détester ce qui sort des catégories, nier qu'il y a des personnes intersexuées par exemple, etc. Quand je parle de catégoriser du coup, ça ne veut pas dire "poser des mots sur des groupes d'individus", qui ne me semble pas un problème en soi, mais au contraire un outil, parfois nécessaire (par exemple dans des études de véto, les mots "félin" ou "canidés" doivent être bien utiles !), parfois superflu (je doute qu'il y ait les mots "noir" ou "blanc" dans une société non-raciste...pour des descriptions physiques, j'imaginerais plutôt "elle a la peau marron foncé/couleur chocolat au lait/couleur coquille d'oeuf/toute rose/etc" que "noir/blanc"). Ça veut dire "nier que ces catégories nient une partie de la réalité et participent à des oppressions", voire "alimenter tout ce qu'il y a de problématique avec les catégorisations".

Heu, voilà, je sais pas si c'était clair...
 
Grussie":5d39wxeg a dit:
dans une société où il est justifié de faire subir à peu près n'importe quoi à un animal dès qu'il n'est pas humain, il suffit de quelques années de "les Juifs/les Noirs/les Roms/... ne sont pas 100% humains" pour faire passer des atrocités à leurs égards aussi.

Mais est-ce que cet argument, "ils ne sont pas 100% humains", est sérieux ? Est-ce qu'en faisant cette réflexion, l'oppresseur se dit "grâce à cela, je vais pouvoir les traiter spécifiquement et exactement comme des animaux d'élevage" ? Comme j'essayais de le dire, à mon avis ce n'est qu'un prétexte, il pourrait prendre n'importe quel autre prétexte pour les maltraiter : "ce ne sont que des merdes", "ce sont des moins que rien" au lieu de "ce ne sont que des animaux". Est-ce que le problème résiderait alors dans notre façon de voir les excréments et le néant, ou plutôt dans la volonté d'exclure la personne sous n'importe quel prétexte ?

A mon avis tant qu'une échelle de valeurs existera, nous aurons toujours un outil pour diminuer les autres. Or il me semble qu'on ne peut pas vraiment se passer totalement d'une échelle de valeurs (à moins de développer une philosophie très particulière, le sensible vaudra sans doute toujours mieux que l'insensible ou que le rien, qui pourront être prétexte aux oppressions). Donc plutôt que de supprimer l'outil, c'est la volonté de diminuer qu'il faut supprimer...

Je veux dire que oui, je suis parfaitement pour le fait de condamner tous les massacres, aucun souci à cela. Mais je ne suis pas persuadée que condamner les massacres d'animaux en général permette automatiquement d'accentuer la condamnation des massacres d'animaux humains ; on peut sans doute travailler aux deux en même temps sans problème, mais la question ici posée par David Olivier et yvesantisp n'était-elle pas d'arrêter de s'intéresser aux massacres spécifiquement humains pour envisager en général les massacres d'êtres sentients, humains ou pas ? Or dans un premier temps il me semble que cela revient à invisibiliser les massacres humains, moins importants en nombre, comme on l'a vu avec le raisonnement de David Olivier. Est-ce qu'on peut moralement assumer d'abandonner pour un temps tous ces humains à leur sort ? (Moi je ne pourrais pas.) Et est-ce qu'à terme cela "solidifierait" réellement l'interdiction de les massacrer, comme tu le penses Grussie ? Je n'en suis pas sûre puisqu'on peut massacrer des humains pour une infinité de raisons, et si ce n'est pas parce que ce ne sont "que des animaux", alors ce sera autre chose. D'ailleurs le premier prétexte d'un massacre ne me semble pas si souvent être très précisément "ce ne sont que des animaux". Pour le génocide des juifs, le premier prétexte n'était-il pas "ce sont des humains au sang impur" ? L'insulte spéciste ne vient-elle pas seulement ensuite, et ne pourrait-elle pas tout aussi bien être un autre type d'insulte ? Est-ce que dans un cadre "sensibiliste", on n'aura pas tout simplement "ce sont des êtres sentients au sang impur" ? Ce qui voudrait bien dire que le coeur du problème est ailleurs... Dans la volonté d'oppresser plutôt que dans le cadre de pensée...

Bref, les deux luttes en même temps, oui, sans problème ; l'idée que condamner tous les massacres est plus solide que de n'en condamner qu'un type, oui, sans doute ; mais l'antispécisme en premier, ou l'antispécisme seul, sous prétexte qu'il inclut la lutte contre l'oppression humaine avec une efficacité égale voire supérieure au "simple" antisexisme, antiracisme etc, non : à mon avis, rien ne le garantit. (Mais de toute façon il ne me semble pas que cette dernière position était la tienne, Grussie ?)

Grussie":5d39wxeg a dit:
Ça veut dire "nier que ces catégories nient une partie de la réalité et participent à des oppressions", voire "alimenter tout ce qu'il y a de problématique avec les catégorisations".
Indéniablement ces problèmes sont réels, et mettre en lumière le mécanisme oppresseur d'une catégorisation hiérarchisante est tout à fait louable et nécessaire. On peut faire évoluer notre usage des catégories, vers une non-hiérarchisation, on peut modifier leurs critères (la belle palette de couleurs de peau au lieu de noir/blanc avec leurs lourdes connotations) sans les supprimer :).
 
Synae, quelle éloquence, tu m'émerveilles sincèrement. C'est beau (bon, d'autant plus que je suis en accord avec tes questionnements).
 
Numa, j'ai vraiment du mal avec ton message, parce que j'ai l'impression que tu cherches vraiment tout et n'importe quoi pour ne pas voir l'évidence.

Numa":1zj7qze0 a dit:
Twizzle, je trouve que ta comparaison ne tient pas sur plusieurs points (pour simplifier, je vais appeler A le cas de l'insulte faite à Taubira et de son jugement, et B celui des commentaires dans l'affaire du chaton).

1. Dans le cas B, il s'agit si j'ai bien compris de répondre directement au message problématique, sur le même medium et dans la continuité de la conversation. Les personnes qui liront ta réaction aux insultes homophobes seront à peu près les mêmes que celles qui avaient lu les insultes. Dans le cas A, c'est très différent : la réaction est dans la presse, et les personnes qui la liront n'avaient pas nécessairement lu les attendus du jugement ou cette phrase en particulier.

Franchement, quelle est la pertinence de dire ça? Oui, les cas A et B sont différents. Deux cas différents ne sont jamais identiques, on trouvera toujours des différences, genre la couleur des chaussettes des protagonistes. Mais qu'est-ce que ça change? Je sors d'Estivales où pendant des jours j'ai vu répéter encore et encore que la moindre phrase raciste ou homophobe ou sexiste tenue en public ou en privé il ne fallait pas la laisser passer, et il faut voir ce qu'on qualifiait de raciste ou de sexiste ou d'homophobe - par exemple, une nana qui habite en banlieue où il y a beaucoup d'immigrés et qui dit avoir peur en rentrant chez elle, pan! c'est raciste il ne faut pas laisser passer sinon on confond les Estivales avec le FN!

Mais le jugement public d'un tribunal, qui vient nous dire, en substance, que le racisme c'est mal parce que les animaux non humains sont des êtres inférieurs, non, il ne faut pas le condamner et tu nous expliques que c'est parce qu'en répondant publiquement c'est pas certain que le tribunal le lira. Tu parlerais de la couleur des chaussettes pour moi ce serait à peu près aussi pertinent.


Mais peut-être justement la violence de la volonté manifestée dans la dénonciation et la répression des propos racistes, etc. explique-t-elle votre paralysie à comprendre qu'on veuille s'exprimer contre les propos spécistes. Le «comité de vigilance» aux Estivales parlait de dénoncer les propos racistes (à qui? à une autorité supérieure? aux gendarmes?), de ne pas les tolérer. Vous voyez ces propos comme des crimes à débusquer, à réprimer, à censurer; on m'a reproché de ne pas vouloir exclure les personnes racistes, homophobes, etc. des Estivales.

Moi je ne suis pas pour l'exclusion et la censure; je ne dénonce pas les propos. Je lutte contre les propos qui me semblent erronés, par la critique et l'argumentation. Quand j'ai critiqué des propos homophobes sur Facebook, je ne les ai pas «dénoncés», je n'ai pas appelé à l'exclusion de leurs auteurs et à la censure de leurs propos. De même, l'article de Dominic critique le jugement du tribunal répond à ses propos spécistes par des arguments. J'ai l'impression pourtant que vous, vous le prenez comme si c'était un appel à dénoncer ce tribunal et à le censurer. Un appel qui impliquerait de disqualifier le tribunal de Cayenne et du même coup d'annuler la portée de son jugement antiraciste. C'est pour ça que vous ne parvenez pas à percevoir l'article de Dominic autrement que comme raciste, parce que rangeant parmi les «méchants» - dans une vision binaire du monde - un tribunal qui a émis un jugement antiraciste.


Numa":1zj7qze0 a dit:
2. Dans le cas B, tu réponds directement à l'insulte elle-même, et ta critique est donc perçue comme s'adressant à la personne qui a utilisé l'insulte. Dans le cas A, la critique telle qu'elle a été faite est dirigée vers l'entité qui a condamné l'insulte (par pour le fait qu'elle l'a condamné, on est d'accord, mais quand même).

Non. Dans le cas A, la critique telle qu'elle a été faite est dirigée vers l'entité qui a utilisé l'insulte. Les attendus du jugement du tribunal étaient insultants pour les animaux non humains, et c'est cela que l'article de Dominic critiquait.


Numa":1zj7qze0 a dit:
3. Dans le cas B, l'insulte homophobe est susceptible de toucher directement des personnes homosexuelles qui participent à la conversation, intervenir peut constituer un soutien direct pour elles. Dans le cas A, cette phrase n'envoie pas directement des poissons mourrir lentement asphyxiés, même si elle participe d'une idéologie spéciste décomplexée (on peut d'ailleurs se demander combien d'humains l'auront vraiment lue). Attention, je ne suis pas du tout en train de dire qu'il ne faut pas relever ce genre de trucs, je pense qu'il faut le faire (sauf bonne raison de ne pas le faire), juste que sur ce point la comparaison entre spécisme et oppressions intra-humaines est très limitée.

Si tu fais tout pour la voir comme limitée, tu la verras comme limitée.


Numa":1zj7qze0 a dit:
4. En supposant donc que le « coût » de ne pas réagir dans la presse générale aux propos du tribunal est lié à la médiatisation de l'affaire, le point 1 ci-dessus devient encore plus fort : dans le cas A, il s'agit de profiter d'une audience, ça n'a plus rien à voir avec le cas B.

Et voilà-t-i' pas encore le reproche d'exploiter une affaire qui n'a rien à voir!

La condamnation édictée par le tribunal de Cayenne a été fortement médiatisée, y compris la phrase qui basait cette condamnation sur l'indignité perpétuelle des animaux non humains. Répondre à cette phrase n'est pas exploiter une affaire qui ne concerne pas l'antispécisme. C'est répondre à une phrase verrouillant le spécisme, une phrase qui fait du spécisme le fondement même de la condamnation du racisme.


Numa":1zj7qze0 a dit:
5. En supposant qu'il n'y avait pas eu de réaction directe à l'insulte elle-même plutôt qu'au jugement la condamnant, d'une part cf point 2, d'autre part ton argument comme quoi il s'agirait de dénoncer systématiquement les propos spécistes même dans un contexte centré sur une autre oppression (de la même manière que certain-e-s aimeraient voir les propos renforçant les oppressions intra-humaines dénoncés plus systématiquements même dans un contexte centré sur les animaux non-humains) ne tient pas, car l'insulte elle-même était également spéciste.

Tu crois vraiment que les antispécistes n'ont de toute leur carrière dénoncé que ce jugement du tribunal de Cayenne? Je trouve qu'il y a beaucoup de mépris dans cette façon de cadrer le débat. «Allez jouer ailleurs, ne touchez pas aux choses sérieuses comme les jugements antiracistes!»

Et tu crois vraiment que dénoncer le spécisme dans l'insulte commise par la femme du FN aurait été plus audible? Genre «En traitant Taubira de guenon, elle insulte les guenons»? L'analyse aurait été encore plus complexe, encore plus inaudible, et nous aurait valu encore plus d'huile bouillante.

Franchement, Manu, je perçois tes propos comme faisant simplement partie des efforts déployés (aux Estivales et ailleurs) pour faire taire les antispés.

David
 
Synae":2wqcge71 a dit:
Mais est-ce que cet argument, "ils ne sont pas 100% humains", est sérieux ? [...] Comme j'essayais de le dire, à mon avis ce n'est qu'un prétexte [...]
Je suis bien d'accord, je pense aussi que ce n'est qu'un prétexte, et que la logique va dans le sens (1) on veut les opprimer/massacrer, donc (2) on construit le mythe qu'ils sont pas humains (même si c'est sans doute pas aussi conscient).

A mon avis tant qu'une échelle de valeurs existera, nous aurons toujours un outil pour diminuer les autres. Or il me semble qu'on ne peut pas vraiment se passer totalement d'une échelle de valeurs (à moins de développer une philosophie très particulière, le sensible vaudra sans doute toujours mieux que l'insensible ou que le rien, qui pourront être prétexte aux oppressions). Donc plutôt que de supprimer l'outil, c'est la volonté de diminuer qu'il faut supprimer...
J'ai l'impression que c'est quand même pas si anodin de supprimer (une partie de) l'outil. Pas tellement parce que ça serait plus difficile de faire sortir des gens de la catégorie sentients que de la catégorie humains, mais parce qu'on aurait moins de « modèles » des pires formes d'exploitation. Il me semble que dans Un éternel Treblinka, l'autre développe en particulier des ressemblances techniques entre la façon dont étaient traités les juifs et autres personnes exterminées. Si on n'avait plus les outils, méthodes, etc. pour exploiter les animaux, il serait peut-être un peu moins immédiat de les réutiliser pour certaines catégories d'humains. De même, j'ai l'impression que l'exploitation féroce des anhs nous entraine pas mal, et à grande échelle, à bloquer notre empathie, et que cette capacité à bloquer facilement son empathie est aussi « utile » pour perpétuer les (pires formes d')oppression intra-humaines.

Ceci dit, je pense que ce que je dis ci-dessus n'a qu'une portée limitée, parce que ça concerne surtout les pires horreurs commises envers des humains, je pense que par contre le racisme, sexisme, etc « ordinaires » sont moins directement liés à ce qu'on fait aux animaux non-humains.

Je veux dire que oui, je suis parfaitement pour le fait de condamner tous les massacres, aucun souci à cela. Mais je ne suis pas persuadée que condamner les massacres d'animaux en général permette automatiquement d'accentuer la condamnation des massacres d'animaux humains ; on peut sans doute travailler aux deux en même temps sans problème, mais la question ici posée par David Olivier et yvesantisp n'était-elle pas d'arrêter de s'intéresser aux massacres spécifiquement humains pour envisager en général les massacres d'êtres sentients, humains ou pas ?
Pour le coup, je ne crois pas que ça soit ce qu'ils disent. Je re-cite un passage d'un texte de David qu'il a cité un peu plus haut dans ce fil, et qui me semble bien répondre à ça :
David Olivier":2wqcge71 a dit:
On me dira que cela est bien compliqué, voire cynique. La libération humaine ne serait qu'un moyen pour la libération animale, et la libération animale, réciproquement... C'est que, contrairement à une tradition politique bien ancrée, aussi bien chez les «gauchistes» auxquels s'opposent l'AIDA que chez l'AIDA elle-même, je ne pense pas que la libération, ni humaine ni animale, ce soit pour demain5. Entre aujourd'hui et ce jour-là, il y a beaucoup de progrès intermédiaires à faire. Si on veut se rendre à pied en un endroit, que le but «prioritaire» soit d'y amener le pied gauche ou le pied droit, ce sont les deux qu'il faut avancer. On n'ira pas loin si on suit l'AIDA qui nous dit, «il faut d'abord y mettre le pied gauche, pour le pied droit ça attendra6».
J'aime bien l'image des deux pieds et du long chemin, qui me paraît assez parlante, et je partage pas mal cette vision des choses, même si ce fil montre que ça n'empêche pas des désaccords importants sur d'autres points. Notament, je pense de plus en plus ces temps-ci que les comparaisons entre spécisme et les systèmes d'oppression intra-humains ont des limites dont il est important d'être conscient (ce qui vaut aussi pour les comparaisons entre les divers systèmes d'oppression intra-humains, d'ailleurs).

Edit pour rajouter ça (et corriger un conre-sens dans un paragraphe précédent)
Synae":2wqcge71 a dit:
Il me semble qu'être catégorisé n'est pas un problème en soi, c'est un outil pour penser les groupes et les sociétés
Ça dépend peut-être de ce qu'on entend catégorie, mais j'ai l'impression que souvent l'existence même de la catégorie est intimement liée à une oppression, ou du moins à des trucs problématiques. Je pense (je crois que c'est aussi ce que disait Grussie) qu'il y a une grosse différence entre (1) décrire une caractéristique d'une personne (caractéristique qui peut être partagée par d'autres individus) et (2) mettre plusieurs personnes dans un même « groupe » selon une caractéristique plus ou moins arbitraire. Je vais prendre comme exemple la couleur des yeux, qui est plutôt utilisée dans le cas (1) et celle de la peau, plutôt utilisée dans le cas (2). Il est évident que dans un cas c'est associé à une discrimination, et il me semble que c'est assez lié au fait que dans le langage on peut dire « les noirs » et que ça évoque pas seulement une caractéristique de la personnes, mais qu'on en peut en parler comme d'un groupe relativement uniforme, alors qu'on ne dira quasiment jamais « les verts » (dans le sens « personnes aux yeux verts ») en pensant à un groupe de personnes relativement uniforme.
 
Numa":1qwiwkhc a dit:
Ça dépend peut-être de ce qu'on entend catégorie, mais j'ai l'impression que souvent l'existence même de la catégorie est intimement liée à une oppression, ou du moins à des trucs problématiques. Je pense (je crois que c'est aussi ce que disait Grussie) qu'il y a une grosse différence entre (1) décrire une caractéristique d'une personne (caractéristique qui peut être partagée par d'autres individus) et (2) mettre plusieurs personnes dans un même « groupe » selon une caractéristique plus ou moins arbitraire. Je vais prendre comme exemple la couleur des yeux, qui est plutôt utilisée dans le cas (1) et celle de la peau, plutôt utilisée dans le cas (2). Il est évident que dans un cas c'est associé à une discrimination, et il me semble que c'est assez lié au fait que dans le langage on peut dire « les noirs » et que ça évoque pas seulement une caractéristique de la personnes, mais qu'on en peut en parler comme d'un groupe relativement uniforme, alors qu'on ne dira quasiment jamais « les verts » (dans le sens « personnes aux yeux verts ») en pensant à un groupe de personnes relativement uniforme.

N'est-ce pas tout simplement parce que le trait de teinte de peau est plus saillant que celui des yeux ? Le cerveau humain procède par recoupement de traits saillants, même s'il existe une multitude de formes de chaises, le cerveau reconnaît quand même une catégorie "chaise" (4 pieds, un plateau, un dossier) même si la frontière peut-être floue avec un fauteuil, ce flou de "frontière" étant d'ailleurs, pour moi, d'un intérêt particulier, la porosité des frontières conceptuelles créant des continuums me semblant une clef pour lutter contre les discriminations.
 
Twizzle":1t2liv1x a dit:
Numa":1t2liv1x a dit:
1. Dans le cas B, il s'agit si j'ai bien compris de répondre directement au message problématique, sur le même medium et dans la continuité de la conversation. Les personnes qui liront ta réaction aux insultes homophobes seront à peu près les mêmes que celles qui avaient lu les insultes. Dans le cas A, c'est très différent : la réaction est dans la presse, et les personnes qui la liront n'avaient pas nécessairement lu les attendus du jugement ou cette phrase en particulier.
Franchement, quelle est la pertinence de dire ça?
Si tu dis un truc qui me paraît problématique, tu ne verrais pas de différence entre le fait que je t'en parle à toi, ou que j'écrive un article dessus ? Dans le cas B, il est possible de répondre directement à l'auteur des propos et exactement au personnes qui l'ont lu, dans le cas A non, je trouve que ça fait effectivement une différence dans la réponse.

Mais le jugement public d'un tribunal, qui vient nous dire, en substance, que le racisme c'est mal parce que les animaux non humains sont des êtres inférieurs, non, il ne faut pas le condamner et tu nous expliques que c'est parce qu'en répondant publiquement c'est pas certain que le tribunal le lira.
Je n'ai pas dit qu'il ne faillait pas le condamner (j'ai dit que je trouvais des trucs problématiques dans la façon dont ça été fait, et que je ne sais franchement pas comment il aurait fallu réagir). Par ailleurs, je n'étais pas en train de dire que cette différence entre les deux cas pourverait qu'il ne fallait pas répondre comme ça, juste que vu cette différence (et les autres), ta comparaison, ne me semblait pas un argument suffisant pour dire qu'il fallait absolument répondre comme ça a été fait.

Mais peut-être justement la violence de la volonté manifestée dans la dénonciation et la répression des propos racistes, etc. explique-t-elle votre paralysie à comprendre qu'on veuille s'exprimer contre les propos spécistes. Le «comité de vigilance» aux Estivales parlait de dénoncer les propos racistes (à qui? à une autorité supérieure? aux gendarmes?), de ne pas les tolérer. Vous voyez ces propos comme des crimes à débusquer, à réprimer, à censurer; on m'a reproché de ne pas vouloir exclure les personnes racistes, homophobes, etc. des Estivales.
Je crois qu'on ne met pas forcément le même sens derrière le mot « dénoncer », peut-être que c'était une erreur de choisir ce mot-là. « Nous » (?!) ne voyons pas ces propos comme des crimes (au contraire, je crois que plusieurs personnes on rappelé qu'on est tou-te-s susceptibles de tenir des propos problématiques, quel que soit notre degré d'engagement, et qu'il devrait être nettement plus simple et drama-free de les relever et surtout d'entendre qu'on a tenu des propos problématiques).

Par ailleurs, si tu dis que « on » t'a reproché de ne pas exclure des personnes, peut-être que des gens t'ont effectivement dit ça, mais il me semble que la plupart des gens ont essayé au contraire d'être très clairs sur le fait qu'il ne s'agissait pas de combattre ou d'exclure des personnes, mais bien des propos ou des actes. Je cite : « toute personne est acceptée mais que tous les propos ne sont pas tolérables ».

Pour être clair, j'ai lu (merci à yvesantisp pour les références) ce qui s'était passé en espagne en 98, et je trouve ça aussi inacceptable que toi, et il ne s'agit pas de reproduire ça aux estivales.

J'ai l'impression pourtant que vous, vous le prenez comme si c'était un appel à dénoncer ce tribunal et à le censurer. Un appel qui impliquerait de disqualifier le tribunal de Cayenne et du même coup d'annuler la portée de son jugement antiraciste.
Non, mais par contre je trouve qu'il y a un risque que ça soit perçu comme ça, et que l'article aurait gagné à être bien plus clair là-dessus (quitte à avoir l'impression d'enfoncer des portes ouvertes).


Non. Dans le cas A, la critique telle qu'elle a été faite est dirigée vers l'entité qui a utilisé l'insulte. Les attendus du jugement du tribunal étaient insultants pour les animaux non humains, et c'est cela que l'article de Dominic critiquait.
En effet, sur ce point j'étais à côté, je le retire.

Numa":1t2liv1x a dit:
3. Dans le cas B, l'insulte homophobe est susceptible de toucher directement des personnes homosexuelles qui participent à la conversation [...] sur ce point la comparaison entre spécisme et oppressions intra-humaines est très limitée.
Si tu fais tout pour la voir comme limitée, tu la verras comme limitée.
À moins que tu ne m'expliques comment les animaux non-humains sont effectivement
directement blessés par des propos spécistes tenus entre humains, je continuerai à trouver qu'il y a une différence.

Twizzle":1t2liv1x a dit:
Numa":1t2liv1x a dit:
5. En supposant qu'il n'y avait pas eu de réaction directe à l'insulte elle-même plutôt qu'au jugement la condamnant, d'une part cf point 2, d'autre part ton argument comme quoi il s'agirait de dénoncer systématiquement les propos spécistes même dans un contexte centré sur une autre oppression (de la même manière que certain-e-s aimeraient voir les propos renforçant les oppressions intra-humaines dénoncés plus systématiquements même dans un contexte centré sur les animaux non-humains) ne tient pas, car l'insulte elle-même était également spéciste.
Tu crois vraiment que les antispécistes n'ont de toute leur carrière dénoncé que ce jugement du tribunal de Cayenne? Je trouve qu'il y a beaucoup de mépris dans cette façon de cadrer le débat. «Allez jouer ailleurs, ne touchez pas aux choses sérieuses comme les jugements antiracistes!»

Je n'ai jamais dit ça. J'ai juste dit que l'argument de la dénonciation systématique ne tenait pas si les dénonciations n'était effectivement pas systématiques. Entre dire qu'elles ne sont pas systématiques, et dire qu'il n'y a eu que celle-ci, il y a un pas énorme, que je n'ai pas fait et que je prierai de ne pas me prêter.

Par ailleurs, je ne vois pas où tu lis dans me phrase qu'il ne faut pas toucher aux « choses sérieuses », mais si j'ai effectivement donné cette impression malgré moi, je tiens à préciser que ce n'était pas du tout mon intention.

Et tu crois vraiment que dénoncer le spécisme dans l'insulte commise par la femme du FN aurait été plus audible?
Pour être honnête, je ne pense pas que ç'aurait été forcément plus audible. Par contre ça m'aurait paru plus intéressant, et moins délicat dans le sens où ça aurait fait apparaître plus clairement qu'il s'agit de combattre ensemble le spécisme et le racisme contenu dans l'insulte.

Franchement, Manu, je perçois tes propos comme faisant simplement partie des efforts déployés (aux Estivales et ailleurs) pour faire taire les antispés.
Je trouve que cette phrase est un procès d'intention. Si tu disais que mes propos ont pour effet ceci ou celà et que c'est regrettable, ça serait une chose, mais là tu me prêtes des intentions qui ne sont pas les miennes, ce qui est différent. Je déduis aussi de la fin de la phrase soit que je cherche à me faire taire moi-même (par mes propos, ce qui serait un moyen bien paradoxal), soit que d'après toi je ne suis pas antispé. Bon, bah merci de m'apprendre quelles sont mes convictions réelles. Ça ne me paraît pas une base très saine pour débattre de façon constructive.
 
Numa":m2c1izbh a dit:
Ceci dit, je pense que ce que je dis ci-dessus n'a qu'une portée limitée, parce que ça concerne surtout les pires horreurs commises envers des humains, je pense que par contre le racisme, sexisme, etc « ordinaires » sont moins directement liés à ce qu'on fait aux animaux non-humains.
Je suis d'accord avec ce que tu dis avant cette quote et dans cette conclusion. Ce qui pour moi confirme la nécessité des deux luttes en même temps. Je crois que nous sommes d'accord mais dans ce que j'ai lu chez yvesantisp et David Olivier je voyais autre chose. J'avais bien lu le passage que tu cites, mais ce qui m'avait choquée est ce qui suit immédiatement :
David Olivier":m2c1izbh a dit:
Cela n'interdit pas de redire à l'occasion, en tant que position de principe, que, puisque la souffrance d'un non-humain est aussi importante que celle d'un humain, et que les premiers sont bien plus nombreux que les seconds, la libération des premiers est en soi plus importante
Ici je trouve qu'il n'y a pas exactement l'image de "deux pieds sur un long chemin" : on a ici un pied qui va plus vite que l'autre, et il me semble que donner la priorité à ce pied-là (antispécisime) n'est pas justifié si l'on prétend qu'il fait le même travail que l'autre pied (antiracisme, antisexisme). Car à mon avis c'est faux, et impossible. Pour moi cela sonne comme un prétexte à justifier un engagement plus important contre le spécisme et à laisser un peu tomber les autres luttes dans une attitude un peu molle (voir ce qui suit cet extrait : ne pas s'associer à l'extrême droite, ok, mais il ne parle pas non plus de la combattre).
Il est vrai que je mêle un peu leurs deux discours, même s'il y a une différence : yvesantisp cherche à justifier une priorité pour l'antispécisime en prétendant que l'antispécisme permet aussi de lutter contre les discriminations humaines, alors que David Olivier ne prend pas cette peine.

Numa":m2c1izbh a dit:
Notament, je pense de plus en plus ces temps-ci que les comparaisons entre spécisme et les systèmes d'oppression intra-humains ont des limites dont il est important d'être conscient (ce qui vaut aussi pour les comparaisons entre les divers systèmes d'oppression intra-humains, d'ailleurs).
J'ai donc aussi de plus en plus cette impression.


Numa":m2c1izbh a dit:
Ça dépend peut-être de ce qu'on entend catégorie, mais j'ai l'impression que souvent l'existence même de la catégorie est intimement liée à une oppression, ou du moins à des trucs problématiques. Je pense (je crois que c'est aussi ce que disait Grussie) qu'il y a une grosse différence entre (1) décrire une caractéristique d'une personne (caractéristique qui peut être partagée par d'autres individus) et (2) mettre plusieurs personnes dans un même « groupe » selon une caractéristique plus ou moins arbitraire. Je vais prendre comme exemple la couleur des yeux, qui est plutôt utilisée dans le cas (1) et celle de la peau, plutôt utilisée dans le cas (2). Il est évident que dans un cas c'est associé à une discrimination, et il me semble que c'est assez lié au fait que dans le langage on peut dire « les noirs » et que ça évoque pas seulement une caractéristique de la personnes, mais qu'on en peut en parler comme d'un groupe relativement uniforme, alors qu'on ne dira quasiment jamais « les verts » (dans le sens « personnes aux yeux verts ») en pensant à un groupe de personnes relativement uniforme.
Je suis parfaitement d'accord avec la différence (1) / (2) mais vraiment pour moi ce n'est pas lié au langage de la manière dont tu le penses. Au lieu des yeux prenont l'exemple des cheveux : certains utilisent "roux" pour discriminer, d'autres font un usage parfaitement innocent de cette catégorie. Dans le premier cas, on associe à la caractéristique physique des caractéristiques comportementales qui seraient uniformes dans le groupe (ce que font les racistes avec "les noirs"). Dans l'autre, on évoque simplement une caractéristique physique de la personne. Il me semble qu'on voit bien en quoi c'est l'usage de la catégorie qui fait qu'elle est discriminante ou pas, et pas tellement le terme qui représente la catégorie.
Exemple concret d'un usage qui me semble innocent des deux catégories : "Les roux (c'est-à-dire les personnes dont les cheveux sont roux) ont généralement la peau claire" ; "Les noirs (c'est-à-dire les personnes dont la peau est noire) ont généralement les cheveux crépus". Est-ce que tu ne trouves pas qu'en soi, indépendament de tout locuteur et de tout contexte, cette dernière phrase n'a rien de raciste ? J'ai bien conscience qu'un usage du langage "indépendament de tout locuteur et de tout contexte" est parfaitement impossible, mais est-ce que le problème ne vient pas du fait que la société s'est mise à utiliser "les noirs" pour tout autre chose que des caractéristiques physiques ? Et aussi du fait que le terme lui-même est finalement faux, puisque ces personnes n'ont pas la peau noire, mais marron foncé ? Peut-être devrait-on dire "les marrons foncé ont généralement les cheveux crépus", au moins il y aurait moins de connotations ! (J'essaie de faire très attention à ne pas être offensante pour les personnes concernées, j'espère vraiment ne pas l'être, sinon toutes mes excuses...)
 
Même si j'entends bien que le désir de couper court (et pour longtemps, car pour de bon, faut pas trop rêver) à toute discrimination est le souhait qui amène à vouloir se débarrasser des catégories, il n'empêche que comme l'a dit Synae, les catégories ne sont pas un mal en soi, c'est un outil. C'est son usage qui est foireux. Et comme Synae je crois que c'est un prétexte pas vraiment sérieux. S'il n'y avait pas cette excuse des catégories, ça serait autre-chose... (les humains n'ont pas besoin de catégories sociales ou ethniques pour se foutre sur la gueule, suffit d'une histoire de barbecue qui pue...)

Et même si on finit pas ne plus en avoir besoin, j'ai peur que supprimer les catégories sociales, ethniques ou de classe c'est un peu comme supprimer l'étiquette "végane" : on retire à un groupe minoré son sentiment d'existence, de légitmité et de protection.

J'ai peur que s'il faille supprimer les catégories pour se débarrasser des hiérarchies et des échelles de valeurs entre groupes d'individus, cela ne puisse aujourd'hui se faire sans que ce ne soit au détriment de ces catégories et groupes justement.

Je pense que les groupes d'individus, même s'ils ne sont fondamentalement pas des clones, au moins de part les discriminations qu'ils subissent, ont justement des besoins et des spécificités qui ne sont pas "nivelables" entre eux afin de tout regrouper sous une même bannière de "pan-lutte".
Je pense que ça ne le sera que quand il n'y aura plus besoin de lutter pour faire reconnaitre ces besoins et droits en tant que conquis légitimes et peut-être réellement universels, et seront ainsi organisés (rédigés en textes de lois).

Pour revenir à du plus concret, je me demande de plus en plus si ce ne sont pas justement nos textes de lois actuels, sinon leurs interprtéations ou la formation des juges sensés les interpréter, qui ne sont pas adaptés aujourd'hui pour rendre compte de ces considérations universalistes nouvelles. (ça me semble une évidence, mais je ne suis pas juriste...)
 
Synae":220id04i a dit:
[...]ce qui m'avait choquée est ce qui suit immédiatement :
David Olivier":220id04i a dit:
Cela n'interdit pas de redire à l'occasion, en tant que position de principe, que, puisque la souffrance d'un non-humain est aussi importante que celle d'un humain, et que les premiers sont bien plus nombreux que les seconds, la libération des premiers est en soi plus importante
Ici je trouve qu'il n'y a pas exactement l'image de "deux pieds sur un long chemin" : on a ici un pied qui va plus vite que l'autre, et il me semble que donner la priorité à ce pied-là (antispécisime) n'est pas justifié si l'on prétend qu'il fait le même travail que l'autre pied (antiracisme, antisexisme). Car à mon avis c'est faux, et impossible. Pour moi cela sonne comme un prétexte à justifier un engagement plus important contre le spécisme et à laisser un peu tomber les autres luttes dans une attitude un peu molle (voir ce qui suit cet extrait : ne pas s'associer à l'extrême droite, ok, mais il ne parle pas non plus de la combattre).
Il est vrai que je mêle un peu leurs deux discours, même s'il y a une différence : yvesantisp cherche à justifier une priorité pour l'antispécisime en prétendant que l'antispécisme permet aussi de lutter contre les discriminations humaines, alors que David Olivier ne prend pas cette peine.
Oui, en fait je crois que je suis d'accord avec toi. Comme je l'avais dit plus haut, je ne trouve ni exact ni utile (voire carrément contre-productif, ça fournit des occasions de s'écharper sur des points théoriques, alors que quitte à débattre vivement, autant le faire sur des points concrets et utiles) d'affirmer des priorités « de principe » comme ça.

Pour le reste, j'essaierai de répondre plus tard, j'ai besoin d'y repenser un peu, c'est pas encore très clair dans ma tête (mais je trouve ce que tu dis intéressant).

Edit : V3nom, pas vu ton message avant de poster, c'est pas que je l'ai ignoré volontairement. J'essaierai aussi d'y répondre plus tard, parce qu'il me semble quand même qu'il y a des liens à creuser entre catégorisation et systèmes de domination.
 
En réponse au message de Félidée.

Félidée":2gofbmmi a dit:
And it goes on, and on, and on...

Félidée, tu as tenté de me salir par les propos suivants: "Et puis avec les retours que j'ai eu des Estivales, je la ramènerai pas trop. Quand on trouve acceptable de s'allier avec des racistes notoires sous prétexte que les animaux passent avant tout. Vive l'utilitarisme antispéciste ouais." Je t'ai demandé de justifier ces propos ou de les retirer; voilà pourquoi "it goes on", et tu es gonflée de t'en plaindre.

Voyons donc ta réponse.

Félidée":2gofbmmi a dit:
Twizzle, j'ai en effet dit que suivant les retours de personnes de confiance que j'ai eu concernant les Estivales, il y a eu des propos qui semblent aberrants, notamment en ce qui concerne le fait que des racistes puissent être admis dans les actions, du moment qu'ils amènent un soutien aux mouvements animalistes.

Lancer des accusations lapidaires sur la base de la réinterprétation par toi de l'ouï-dire de "personnes de confiance" qui ont déjà redigéré à leur sauce ce qu'elles ont entendu (de vive voix?), c'est du n'importe quoi.

Je ne sais pas de quels propos tu parles, puisque tu ne cites rien. J'ai le souvenir d'avoir dit les choses suivantes aux Estivales:

- J'ai défendu, et je ne crois pas être près de changer d'idée sur ce sujet, l'ouverture des Estivales à toutes les personnes quelles que soient leurs opinions, dès lors qu'elles s'intéressent à la question animale (la question des êtres sentients), y compris par exemple si elles défendent le spécisme et la consommation du foie gras. Elles sont donc de fait ouvertes y compris aux personnes d'extrême-droite et/ou racistes. Elles y ont la liberté de s'exprimer, à condition de le faire dans la courtoisie.

- Aux Estivales 2011 (tes "personnes de confiance" ont la mémoire longue) j'ai insisté que la Veggie Pride devait être ouverte à toute personne végétarienne pour les animaux, quelles que soient ses opinions, parce que le but de la manifestation est d'exprimer qu'il est juste et bon de refuser de manger les animaux et que ce refus constitue en soi un acte de grande importance valant d'être exprimé.

Si c'est ça que tu appelles "s'allier avec des racistes notoires sous prétexte que les animaux passent avant tout" ou défendre "que des racistes puissent être admis dans les actions, du moment qu'ils amènent un soutien aux mouvements animalistes", c'est de la déformation mensongère. Mes positions sont motivées par la volonté de promouvoir une culture de débat, par opposition à la culture de censure et d'exclusion qui prévaut dans la société française, et tout particulièrement dans l'extrême-gauche et les milieux "antifascistes" et anarchistes. Elles ne sont pas motivées par un désir d'alliance avec l'extrême-droite ou de bénéficier du soutien de l'extrême-droite - et de fait je n'ai connaissance d'aucune présence concrète de l'extrême-droite ni aux Estivales ni à la Veggie Pride. Et jamais je n'ai dit que "les animaux passent avant tout", sauf en incluant tous les êtres sentients, humains compris, parmi les animaux.

Tu peux être en désaccord avec mes positions, et on peut en débattre. Les déformer de façon mensongère vise au contraire salir les personnes et à interdire le débat.


Félidée":2gofbmmi a dit:
Il s'y est passé des choses violentes et je suis complètement solidaires avec les gens qui se sont sentis blessés, discriminés et qui ont vécu tout cela violamment.

Seulement quand ils partagent tes opinions. Les autres on peut leur chier sur la figure sans problème.

Félidée":2gofbmmi a dit:
Voilà, je te réponds, ça va mieux ?

Pas tellement. Tu pourrais aussi avoir un ton moins condescendant quand tu as voulu diffamer quelqu'un et que tu n'es capable de répondre que par des échos déformés.

Félidée":2gofbmmi a dit:
Vegan, toujours, pour les animaux, mais les échanges comme ceux ci, no more.

Si tu agresses volontairement les gens, il y a peu de chances que ça se passe dans la douceur.

(Et au fait, oui, je suis utilitariste. Ca te dérange vraiment, ou c'est juste une occasion de plus de pourrir le débat, façon transtopic?)

David
 
Twizzle":2d2bxx04 a dit:
le jugement public d'un tribunal, qui vient nous dire, en substance, que le racisme c'est mal parce que les animaux non humains sont des êtres inférieurs

Un tribunal ne juge pas dans l'absolu, mais par rapport aux valeurs actuelles de la société.
Le tribunal a dit : "le fait d'assimiler une personne quelle qu'elle soit, à un animal, constitue une injure, faite à l'humanité entière".
Evidemment, ce que le tribunal veut dire, c'est : "Dans une société où il est considéré humiliant d'être un animal non-humain, le fait d'assimiler une personne quelle qu'elle soit, à un animal (sous-entendu, évidemment : non-humain), constitue une injure, faite à l'humanité entière".
Ce que le tribunal n'a absolument pas dit, c'est : "Il est absolument certain que les animaux sont des êtres inférieurs, donc le fait d'assimiler une personne quelle qu'elle soit, à un animal, constitue une injure, faite à l'humanité entière".
Donc je trouve inutile de condamner le tribunal ("un tribunal peut-il aller à ce point contre la science, et dans une telle confusion des termes?") puisqu'il ne va pas "contre la science" mais constate simplement un fait sociétal. Ce n'est pas le rôle du tribunal de changer la société. Le tribunal juge en fonction des valeurs de la société. Changer ces valeurs est éventuellement le rôle des militants, des philosophes, mais pas du tribunal. Il est donc intéressant de relever le spécisme de l'insulte, le spécisme de la société, mais accuser le tribunal en particulier de participer activement à la propagation du spécisme par ce jugement, il me semble que c'est tiré par les cheveux.

Sans doute aurait-il été intéressant, moins polémique, d'écrire quelque chose comme : "Il est bien juste que l'insulte raciste ait été condamnée. Maintenant, nous pouvons nous demander : pourquoi l'insulteur a choisi une insulte animale ? Cela ne révèle-t-il pas, en plus de son mépris révoltant à l'égard des personnes racisées, son mépris à l'égard des animaux non-humains, révélateur du spécisme de la société, spécisme dont le tribunal a pris acte ?"
Et là on aurait embrayé sur le sujet du spécisme, mais sans jamais remettre en question la justesse du jugement anti-raciste du tribunal.
 
Twizzle":3d3d09cq a dit:
Moi je ne suis pas pour l'exclusion et la censure; je ne dénonce pas les propos. Je lutte contre les propos qui me semblent erronés, par la critique et l'argumentation. Quand j'ai critiqué des propos homophobes sur Facebook, je ne les ai pas «dénoncés», je n'ai pas appelé à l'exclusion de leurs auteurs et à la censure de leurs propos. De même, l'article de Dominic critique le jugement du tribunal répond à ses propos spécistes par des arguments. J'ai l'impression pourtant que vous, vous le prenez comme si c'était un appel à dénoncer ce tribunal et à le censurer. Un appel qui impliquerait de disqualifier le tribunal de Cayenne et du même coup d'annuler la portée de son jugement antiraciste. C'est pour ça que vous ne parvenez pas à percevoir l'article de Dominic autrement que comme raciste, parce que rangeant parmi les «méchants» - dans une vision binaire du monde - un tribunal qui a émis un jugement antiraciste.

Alors peut-être que cette démarche était pas assez explicite ?
Surtout qu'à mon avis, autant sur végéweb qu'ailleurs, elle est loin d'aller de soi, ou d'être reconnue comme telle.

Numa":3d3d09cq a dit:
Ça dépend peut-être de ce qu'on entend catégorie, mais j'ai l'impression que souvent l'existence même de la catégorie est intimement liée à une oppression, ou du moins à des trucs problématiques. Je pense (je crois que c'est aussi ce que disait Grussie) qu'il y a une grosse différence entre (1) décrire une caractéristique d'une personne (caractéristique qui peut être partagée par d'autres individus) et (2) mettre plusieurs personnes dans un même « groupe » selon une caractéristique plus ou moins arbitraire. Je vais prendre comme exemple la couleur des yeux, qui est plutôt utilisée dans le cas (1) et celle de la peau, plutôt utilisée dans le cas (2). Il est évident que dans un cas c'est associé à une discrimination, et il me semble que c'est assez lié au fait que dans le langage on peut dire « les noirs » et que ça évoque pas seulement une caractéristique de la personnes, mais qu'on en peut en parler comme d'un groupe relativement uniforme, alors qu'on ne dira quasiment jamais « les verts » (dans le sens « personnes aux yeux verts ») en pensant à un groupe de personnes relativement uniforme.

Pour le coup Numa, à l'inverse de toi, je pense sincèrement qu'au moins les premiers à rechercher des raisons rationnelles (mais arbitraires) afin de dresser une barrière de droits entre "nous" et "eux" sont clairement conscients et volontaires. Ensuite, avec de telles "marques à pointer du doigt", il est facile de conditionner une foule cherchant un "émissaire" à abattre ou expulser. (
Et s'il doit exister une différence de reconnaissance et de détournement entre la couleurs des yeux et la couleur de peau, c'est simplement pour une raison pratique qui sert bien l'appel à l'impulsion irréfléchie : la teinte de la peau, ça se voit de loin, pas besoin de se rapprocher et scruter les yeux pour ça. (c'est encore plus flagrant quand ce n'est pas un non humain évidemment, et justement la difficulté d'empathie envers les poissons va dans ce sens à mon avis.)

Une petite illustration de ce désir de rationalisation à mon avis totalement conscient :

Le mal vient de ce que les Français, dans leur grande partie, ne savent pas
reconnaître les Juifs. S’ils le savaient, ils se tiendraient sur leurs gardes. Donc la
question ne se poserait pas si, par exemple, les Juifs avaient la peau bleue. Mais ce
n’est pas le cas. Il faut donc qu’on puisse les reconnaître.
Charles Laville, Radio Paris, 29 mai 1942.

Depuis huit jours, les Juifs doivent porter l’étoile jaune et appeler sur eux le mépris
public. Jamais les gens n’ont été avec eux si aimables. C’est qu’il n’est sans doute
rien de plus ignoble que de contraindre un homme à avoir à tous les instants honte
de lui même, et le gentil peuple de Paris le sait ”.
Jean Guéhenno, Journal des années noires, 16 juin 1942.

Les juifs ne portent pas leur prétendu caractère délétère sur eux, à part les caricature qu'on a connu de cette époque, mais, zut, ça ne permet pas de tous les débusquer. Alors on va leur coller une étoile jaune bien visible. ça fera l'affaire.

Et 2 fois une heure sur la façon dont la france a construit puis adapté sa définitions de l'étranger, qui est à peu près aussi fermement établie que la mode vestimentaire...
http://www.polemixetlavoixoff.com/histo ... er-part-1/
http://www.polemixetlavoixoff.com/histo ... er-part-2/

Pour résumer (en le rendant très réducteur): on étend le "nous" au fur et à mesure que les anciens "eux" deviennent des citoyens intégrés, qui paient leurs impots et surtout qui votent. (hispaniques, puis noirs, puis arabes, roms maintenant...)
Pour les animaux non humains, c'est confortable qu'ils ne puissent parler, ni participer de façon "active et spontanée" à la société, ce qui leur retirerait le statut de sujets de droit.
Ce qui avait été habilement contre-argumenté par Singer avec l'exemple des nourissons ou des handicapés, ce qui là aussi, peut-être de la même façon que pour l'article de Dominic, lui avait valu des condamnations déchainées.

Sinon exemples inverses mais qui ne sont pas antinomiques :
-les personnes de rang royales qui prétendaient avoir le sang bleu... Distinction naturaliste, mais invérifiable.
-La race aryenne voulue par Hitler et d'autres, qui se focalisait sur des détails sujets à interprétation. (cheveux blonds, yeux bleus, grande taille... plus ou moins quoi...)
 
H.S. La courtoisie
- J'ai défendu, et je ne crois pas être près de changer d'idée sur ce sujet, l'ouverture des Estivales à toutes les personnes quelles que soient leurs opinions, dès lors qu'elles s'intéressent à la question animale (la question des êtres sentients), y compris par exemple si elles défendent le spécisme et la consommation du foie gras. Elles sont donc de fait ouvertes y compris aux personnes d'extrême-droite et/ou racistes. Elles y ont la liberté de s'exprimer, à condition de le faire dans la courtoisie.

Comment ça peut être courtois d'exprimer des idées racistes, homophobes, sexistes, etc ? On peut y mettre toutes les formes qu'on veut, ça sera toujours une violence envers les personnes concernées. Et si j'explique, même très poliment, que l'hétérosexualité est une pathologie, qui témoigne de la peur des personnes du même sexe, et que les relations matures et satisfaisantes sont impossibles pour les hétérosexuels, c'est violent et blessant pour les hétéros. Ou du moins, ça le serait dans une société ou de telles idées sont suffisament "fortes" pour être prises au sérieux et avoir un impact sur leur quotidien, en les discriminant.
Bref, ça peut rester courtois si on définit très strictement le manque de courtoisie par des injures, pas si on examine le fond du propos.
(je ne sais pas quels discours précis ont été tenus aux Estivales, du coup j'ai volontairement donné un exemple absurde dans notre contexte social, qui est homophobe mais pas hétérophobe)
 
C'est le principe de la violence symbolique, et encore, ça reste la forme la plus explicite et manifeste.

Je également pour l'ouverture à toutes et tous concernant au moins les débats sur les luttes, en tout cas en ce qui concerne l'anti-spécisme, mais je ne suis pas certain que des propos racistes, sexistes, homophobes ou que sais-je encore soient nécessaires pour justement débattre de l'anti-spécisme.

Accueillir des personnes potentiellement discriminantes ok, après tout on ne sait de toute façon pas ce qui n'est pas explicitement dit de la part de chaque personne (c'est le cadre privé, puis faudrait inventer un scanner cérébral)), mais critiquer des propos tenus lors de ces rencontres quand elles sont blessantes, discriminantes ou simplement hors sujet aussi. (ça c'est le cadre publique, et en la question, les libertés de chacun sont forcément réduites)
 
Arrakis":1b9nb9em a dit:
H.S. La courtoisie
- J'ai défendu, et je ne crois pas être près de changer d'idée sur ce sujet, l'ouverture des Estivales à toutes les personnes quelles que soient leurs opinions, dès lors qu'elles s'intéressent à la question animale (la question des êtres sentients), y compris par exemple si elles défendent le spécisme et la consommation du foie gras. Elles sont donc de fait ouvertes y compris aux personnes d'extrême-droite et/ou racistes. Elles y ont la liberté de s'exprimer, à condition de le faire dans la courtoisie.
Comment ça peut être courtois d'exprimer des idées racistes, homophobes, sexistes, etc ?
C'est simple : suffit d'être blanc, et souvent un peu un mec aussi, même s'il y a aussi des femmes blanches très courtoises... c'est dans nos gènes en quelque sorte. C'est lié au savoir-vivre... celui élaboré par la haute société blanche. Les noirs, non, les noirs, ils sont sauvages, pas courtois, pas civilisés... fallait voir quand on essayait de leur inculquer un peu de culture à coups de cravache... rien ne rentrait. Pas étonnant qu'ils soient incapables d'expliquer posément à une table de négociation leurs griefs et leurs doléances... toujours à s'énerver je te dis. C'est bien pour ça qu'ils trônent rarement dans les grandes instances du pouvoir international d'ailleurs : non pas qu'ils aient tort sur le fond de leurs revendications (quelques blancs l'admettent), mais ils le font avec si peu de courtoisie, tu comprends... on peut pas laisser passer un tel manquement aux règles d'échange les plus basiques.
Perso, étant blanche, je suis sûre que je saurais encaisser des poings dans la figure avec beaucoup de courtoisie, c'est dans ma nature.
 
La "colère" pacifique de Yannick Noah dans sa chanson éponyme, reconnaissante devant la république et appelant à s'aimer les uns les autres, dans une vision individuelle des responsabilités vis à vis du racisme., une colère "sans défense".
 
Ce sujet est resté dormant depuis le début du mois, et il est tentant de penser que c'est tant mieux. Je crois cependant que certaines des questions qui y sont soulevées sont importantes et d'une grande actualité. Je parle tout particulièrement de la question de la culture de débat, qui à mon sens devrait remplacer la culture du dogme qui prévaut actuellement, particulièrement dans les milieux qui se définissent comme "radicaux", comme antiracistes, antisexistes, etc., et qui touche aussi, forcément, une partie du mouvement antispéciste.

Je reprends le message d'Arrakis.

Arrakis":3piqy8mg a dit:
H.S. La courtoisie
- J'ai défendu, et je ne crois pas être près de changer d'idée sur ce sujet, l'ouverture des Estivales à toutes les personnes quelles que soient leurs opinions, dès lors qu'elles s'intéressent à la question animale (la question des êtres sentients), y compris par exemple si elles défendent le spécisme et la consommation du foie gras. Elles sont donc de fait ouvertes y compris aux personnes d'extrême-droite et/ou racistes. Elles y ont la liberté de s'exprimer, à condition de le faire dans la courtoisie.

Comment ça peut être courtois d'exprimer des idées racistes, homophobes, sexistes, etc ? On peut y mettre toutes les formes qu'on veut, ça sera toujours une violence envers les personnes concernées. Et si j'explique, même très poliment, que l'hétérosexualité est une pathologie, qui témoigne de la peur des personnes du même sexe, et que les relations matures et satisfaisantes sont impossibles pour les hétérosexuels, c'est violent et blessant pour les hétéros. Ou du moins, ça le serait dans une société ou de telles idées sont suffisament "fortes" pour être prises au sérieux et avoir un impact sur leur quotidien, en les discriminant.
Bref, ça peut rester courtois si on définit très strictement le manque de courtoisie par des injures, pas si on examine le fond du propos.

Arrakis, je suis très conscient que dans certains cas les mots peuvent faire très mal; et que la courtoisie peut être un voile hypocrite devant la violence.

Il n'empêche que je suis tout à fait pour qu'une personne puisse dire - si elle le pense - que l'homosexualité est une pathologie, qui témoigne de la peur des personnes de l'autre sexe, et que les relations matures et satisfaisantes sont impossibles pour les homosexuels. Il y a beaucoup de personnes qui pensent ça, et je sais parfaitement que cette idée blesse, directement et encore plus indirectement, beaucoup de personnes, genre les ados homos qui se suicident et ainsi de suite. Oui, les idées tuent. De plus, cette idée pourrit notre culture, au-delà du mal qu'elle fait aux personnes homosexuelles. Et, dernier point, elle est fausse.

Mais face à ça, comment on fait? On décide qu'on ne va permettre l'expression que des idées qui ne font de mal à personne?

Personnellement, je pense la chose suivante à propos de la religion. La religion est une pathologie mentale; elle témoigne en particulier de la peur des personnes face à la mort, tout en offrant une fausse solution à cette peur. Ceci est tout particulièrement vrai du christianisme et de l'islam. Le christianisme, en particulier, religion du salut personnel par excellence, empêche les relations saines, sincères et bienveillantes avec les autres. Enfin, les affirmations de la religion (existence d'un dieu tout-puissant et bon, etc.) sont fausses. Tout ceci je le pense sans hostilité particulière envers les personnes religieuses - en tout cas, je veux le penser sans hostilité; tout comme beaucoup de personnes qui pensent que l'homosexualité est une pathologie, etc. veulent le penser sans hostilité pour les homosexuels.

Il me semble clair que contester la religion, dire ce que je dis ci-dessus, peut faire du mal à certaines personnes. Selon tes critères, il ne faudrait pas que je dise ces choses, parce qu'elles peuvent faire mal?

Il ne faudrait pas non plus dénoncer le racisme et le fascisme, parce que cela peut faire mal aux racistes et aux fascistes? Et les homophobes eux-mêmes, il ne faut pas les contredire, parce que ça leur fait mal?

Sans parler du spécisme. Il ne faudrait pas dire du mal du foie gras, parce que les éleveurs l'entendent comme les traitant de monstres? Parce qu'ils peuvent craindre pour leur emploi, et peut-être finir au chômage et se suicider?

Ou alors, on considère qu'on peut exprimer les idées antiracistes, antihomophobes, etc. parce que la souffrance des personnes homophobes, racistes, etc. n'a aucune importance, contrairement à la souffrance des victimes du racisme et de l'homophobie?


En fait, quand tu parles de violence, j'ai l'impression que tu mélanges deux choses:

- Le mal direct que cela fait aux personnes qui entendent certains propos.

- Le mal que la diffusion d'une idée peut faire au sein de la société.

Concernant le mal direct, une souffrance c'est une souffrance, que les propos qui font souffrir soient justes ou non. On souffre de se voir contredire, on souffre de voir sa vision du monde remise en cause. Tout ce que je peux dire à ce propos c'est que les Estivales sont un lieu de débat, et donc d'expression libre et argumentée des idées, et que si quelqu'un souffre trop de voir ses idées contredites - que ce soit parce qu'il est homo ou parce qu'il est homophobe - les Estivales ne sont pas un bon endroit pour lui. Si je suis antispéciste et incapable de supporter quelqu'un qui viendrait m'expliquer que la souffrance d'un animal n'a aucune importance, alors je ne vais pas aux Estivales. Ou j'y vais, et j'essaye de serrer des dents.

Mais dès lors qu'on admet que les Estivales sont un lieu de débat, y compris d'idées qui peuvent nous faire mal individuellement, le sens de la "courtoisie" dont je parlais devient plus clair. Au niveau de la souffrance que cela occasionne, dire "sale pédé!" (formulation non courtoise) ou "l'homosexualité est une pathologie résultant de la peur de l'autre sexe" (formulation courtoise), ce sont deux manières de dire qui créent peut-être toutes deux de la souffrance, et qui sont violentes en cela, mais la première ne permet aucune réponse. A la seconde formulation je peux répondre de bien des manières; par exemple, en commençant par demander pourquoi cette personne ne pense pas que l'hétérosexualité résulte de la peur des personnes de son propre genre. Mais il est clair que face à "sale pédé!", ça ne sert à rien de répondre ainsi. Les insultes, les écarts à la courtoisie, créent une situation où on se met à devoir se défendre en tant qu'individu plutôt que de défendre des idées. Les Estivales se voulant un lieu de débat et non de bagarre, il est logique qu'on demande aux gens de s'efforcer de s'exprimer avec courtoisie.

Concernant maintenant le mal que peut faire la diffusion des idées au sein de la société, eh bien il me semble clair qu'on n'y remédie pas en les censurant. C'est pour moi une position pragmatique. La censure, elle ne marche pas. Tout ce qu'on a obtenu avec la loi Gayssot qui interdit les propos négationnistes, c'est que dans nos banlieues une bonne partie des jeunes pensent que la Shoah est une invention des juifs pour justifier l'existence d'Israël. Leur raisonnement est simple et logique. Si on interdit les propos négationnistes, c'est qu'on n'a pas d'arguments contre, et donc qu'ils sont justes. La loi Gayssot, les lois qui interdisent les propos racistes, etc. ne visent pas à contenir le négationnisme et le racisme. Ils sont tout à fait inefficaces pour cela. Ils visent seulement à pouvoir afficher une sorte de bonne intention, à proclamer qu'on est dans le camp des bons. Ils traitent le négationnisme et le racisme non comme des idées fausses qu'il faut combattre par des arguments, mais comme des blasphèmes qu'il faut bannir parce qu'en bannissant le blasphème on affiche qu'on est contre le blasphème.

Moi je crois que le spécisme, le racisme, le sexisme, l'homophobie, le nationalisme, l'égoïsme, les religions, et bien d'autres choses encore, sont non des blasphèmes mais des idées fausses et nuisibles. Je pense que nous avons raison de combattre ces idées. C'est la raison, l'argumentation, la logique, qui sont nos armes les plus fortes. La différence entre l'homophobie et l'anti-homophobie n'est pas que la première tue et la seconde non, que la première fait mal à qui peut l'entendre et la première non. La différence est que la première est une idée fausse, infondée, irrationnelle, et que la seconde est juste, fondée, rationnelle. Et le seul moyen pour faire ressortir cette différence - et même, pour déterminer nous-mêmes au départ ce que nous en pensons - c'est d'examiner les arguments dans un sens et dans l'autre.

Je pense en général que c'est en devenant plus intelligents, en apprenant à raisonner, à examiner les idées et leur logique, que les humains collectivement parviendront à avancer. Je ne crois pas que nous avancerons en bannissant les idées. Nous serons peut-être alors antiracistes, mais nous ne saurons pas pourquoi, et serons incapables de nous défendre face à une montée du racisme.

David
 
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