Clawa":2573btno a dit:
quand tu dis "nous" je ne vois pas de qui tu parles
Mon propos ici était général. Nous : les acteurs sociaux.
Clawa":2573btno a dit:
tu es bien le seul ici à sortir le mot "marivaudage"
C’est un mot interdit ?
Clawa":2573btno a dit:
tu vois bien que personne (ou pas grand-monde) n'est familier-e avec le concept.
Pas sûr... Et d’ailleurs je n’ai pas cherché à « conceptualiser » quoi que ce soit avant ton intervention
Clawa":2573btno a dit:
Tu pourrais expliquer ton but, stp, la raison pour laquelle tu parles de marivaudage en premier lieu ? Ce qui t'y a fait penser dans la conversation, et ce que tu comptes accomplir ?
Je ne vois pas ce qui justifie un interrogatoire pareil. J’essaie malgré tout de lever tes soupçons : je n’avais pas d’intention malsaine en parlant de marivaudage ! Je questionnais le ressenti de Fabicha sur l’Eldorado britannique et la déréliction française. Bien entendu, le fond du problème reste celui de la rencontre et du rapport de force qu’elle peut engendrer… En fait, le sujet m’intéresse.
Clawa":2573btno a dit:
Pourrais-tu donner des exemples concrets ?
J’ai eu une discussion avec une amie étrangère sur les mœurs nationales en matière de « séduction » et sur ce qui nous paraissait le plus plaisant (on s’est donné l’illusion de croire qu’il existe des différences nationales bien repérables pour le seul plaisir d’en discuter). Certains films d’Eric Rohmer m’avaient semblé appropriés pour parler d’une variante du marivaudage. Dans Le Genou de Claire, Ma nuit chez Maud, Conte d’été, Conte de printemps ou Conte d’automne, Rohmer met en scène des rencontres noyées dans de longues plages de conversation qui sont à elles-mêmes leur propre fin. Le temps réservé à la compréhension de l’autre s’étire sous l’effet d’intrigues dont on ne sait pas toujours si elles sont amoureuses, amicales ou simplement affinitaires. On sait en revanche que la relation charnelle existe ou qu’elle peut exister, mais le discours est premier. La tension n’est pas dans la chambre à coucher. Dans Ma nuit chez Maud, le personnage de Françoise Fabian s’en amuse et convie son partenaire à venir dormir auprès d’elle par « confort ». Le discours sur la séduction entre les personnages est toujours guidé par un référent (le pari de Pascal, la philosophie kantienne, un roman en train de s’écrire, les mathématiques, etc.). Par cette médiation, les personnages féminins et masculins ont une prise sur la situation et peuvent confronter leur point de vue. Le cinéma de Rohmer est très « concret » et tout concourt à ce que le spectateur comprenne que les situations décrites ne sont pas universelles. La possibilité qu’ont les personnages d’échapper à un rapport de force direct et nu grâce à la conversation est inégalement répartie socialement, et Rohmer prend un soin particulier à le rappeler à travers la « qualité » des personnages (profession, lieu de résidence, décoration intérieure, âge, type d’études, lectures, etc.). C’est peut-être pourquoi Rohmer n’aimait pas Marivaux. Comme dans le Jeu de l’amour et du hasard, l’inversion des rôles entre les dominants et les domestiques est toujours temporaire, et l’ordre social conservateur à chaque fois rétabli. Le « bon sens » des dominés est écrasé par l’artifice bourgeois. La matière sociale des sentiments est traitée de façon étroite et binaire.
Clawa":2573btno a dit:
Quant à la partie sur le "calcul" je ne le pensais pas du tout dans le sens "procédurier".
Moi non plus. L’idée étant qu’on peut, à la limite, parler de calcul lorsque les situations sont suffisamment prévisibles pour engager des anticipations rationnelles de long terme.
Clawa":2573btno a dit:
Je le pensais en termes goffmaniens
Moi aussi. Je t’ai répondu sur le mode que tu as choisi. Je lis Goffman et je l’enseigne. Les « échanges réparateurs » dont il parle, et que tu évoques dans ton premier post, ne sont pas des calculs. D’une manière générale, la sémantique du calcul est absente de ses analyses. Les occurrences du mot sont peu nombreuses et celui-ci n’est jamais traité comme un concept, même dans la partie de son travail qui pourrait s’y prêter et qui relève de l’interaction stratégique. Goffman est d’abord un sociologue des situations et son objet n’est pas celui de la performance cognitive de l’acteur, mais des contraintes situationnelles qui imposent une évaluation et un ajustement réciproques des participants à l’interaction. L’étude de l’intelligence concrète des situations nécessite un autre langage analytique que celui, désincarné, du calcul qui est promu par d’autres auteurs, notamment dans le cadre de la théorie des jeux et de ses différentes modélisations (en économie et sociologie en particulier), au moment où Goffman publie ses premières enquêtes.
Clawa":2573btno a dit:
C'est complètement du calcul, mine de rien, surtout quand tu es assigné-e fille et qu'en grandissant tu as pris le réflexe de craindre pour ta sécurité dès qu'un homme inconnu t'approche
Tu parles de réflexe. Est-ce toujours du calcul ?
Clawa":2573btno a dit:
Et si tu crois qu'une "négociation préalable" (en quels termes ? "bonjour mademoiselle je voudrais marivauder 5 min avec vous si ça vous dit" ?), surtout lors d'une première rencontre (!), permet de gagner la confiance de l'autre, je...
Par rencontre, j’entendais un premier rdv. Et par « négociation », je ne faisais que reprendre ton fil interactionniste ; il s’agit simplement de sentir ce qu’attend l’autre, de poser quelques jalons, de définir un cadre. Qui ne le fait pas quand elle/il en a l’opportunité ?
On s’est croisé, on se côtoie peut-être, mais dans un environnement qui ne prédispose pas à un échange plus personnel, et on décide de se voir quelque part pour « faire connaissance » (j’ai bien aimé cette formule de Fabicha, mais je crois que ça se fait ailleurs qu’en Angleterre). Je n’ai jamais de rdv de cette nature avant de discuter avec la personne et je n’ai pas l’habitude non plus d’interpeller dans la rue quelqu’un qui me plaît.
Clawa":2573btno a dit:
bref faudrait vraiment que je voie ce "marivaudage" en action.
J’ai « rencontré » une personne vendredi dernier au Zimmer, 1 place du Châtelet à Paris, de 18h30 à 23h environ. Le restaurant dispose de caméras et détient peut-être un enregistrement.