Je considère l'esprit zététique plutôt sain, dans l'absolu. Analyser les faits, mettre de côte les biais émotionnels. Et il y a de quoi faire avec le discours de Yourofsky. (Et d'ailleurs, les véganes/antispés n'ont pas attendu l'auteur de cet article pour le faire...)
Mais le défaut des zététiciens (autoproclamés - les étiquettes, moi, j'en méfie toujours...) que je constate, trop souvent, c'est qu'ils pensent que leur position suffit à effacer leurs propres a priori et biais émotionnels.
Par exemple, dans ce texte, tout est à charge contre Yourofsky (et en règle générale, sur son blog, de ce que je viens de voir, il passe plus de temps à charge contre les véganes et la cause animale -comme si c'était déjà un combat gagné depuis longtemps, ça y est c'est réglé, on peut leur taper dessus maintenant pour rétablir l'équilibre- que contre les arguments de la société carniste/spéciste qui s'y oppose).
Et du coup, dans la dynamique, il se laisse embarquer avec lui-même des raisonnements plus ou moins fallacieux, biaisés par ses a priori et son propre comportement, qui ne sont pas de l'ordre de la zététique. Notamment le fait de traiter de la question morale, et critiquer l'appel à l'empathie.
L'appel à l'empathie, en terme de militantisme, et même de morale est inévitable. Si tu ne mobilises pas par l'appel à l'empathie, il n'y a plus aucune raison pour que la société se bouge. Ou alors "tu" (<= un "tu" abstrait, "le monde") donnes le contre-pouvoir aux victimes pour qu'elles luttent pour elles-mêmes. Sauf que dans le cas de la cause animale (ou de l'écologie, d'ailleurs, et des tas d'autres sujets), c'est impossible.
Bref, en critiquant l'appel à l'empathie il condamne l'existence du militantisme lui-même (sur n'importe quel sujet). Les militants ne devraient plus que faire des constats hyper neutres et froids, et attendre que les gens se bougent tranquilement pris soudainement par un désir de responsabilité neutre et froid. On n'aurait plus que des manifs neutres et froides, des gens qui passeraient leur temps à faire de la comptabilité morale neutre et froide pour savoir s'ils doivent rationnellement donner ou non, agir ou non pour tel ou tel organisme caritatif/humanitaire/autre, dans quelles proportions... bref, on n'aurait rien du tout, puisque toute l'empathie de l'univers aurait disparu, et plus personne n'éprouverait aucun intérêt pour la justice, pour la souffrance ou le bien être d'autrui. D'ailleurs, plus personne ne voterait non plus, tout le monde se foutrait de tout.
Donc condamner l'appel à l'empathie dans le domaine du militantisme, c'est aberrant.
Ensuite, la conclusion où il fustige le fait de déclarer que le véganisme est la solution morale au problème, c'est un parti pris complètement irrationnel, puisqu'il n'explique pas lui-même quelle est la solution alternative qu'il propose. Il déclare que c'est affreusement illogique de dire que c'est la seule solution parce que... "y en a sûrement d'autres, mais j'ai pas envie de vous les chercher et démontrer, là, prout, mais Yourovsky, il ne cite pas, c'est de sa faute.".
Surtout la phrase "On apprend donc que le monde est binaire : il y a le bien et il y a le mal. Point. ". Voilà, donc le fait d'avoir le badge zététique permet de faire l'arbitrage en une phrase de tous les philosophes éthiques du monde. La solution, c'est qu'il n'y a pas le bien et le mal, c'est plus compliqué que ça. Tuer sans nécessité, c'est pas forcément mal, ça dépend du point de vue.
Bref, que l'auteur utilise la zététique pour critiquer ponctuellement ce qui est factuellement faux, d'accord.
Qu'il utilise la zététique pour déborder sur des sujets qui ne sont pas du domaine de la zététique, parce que c'est son propre bagage émotionnel qui l'y pousse, non... (D'ailleurs, même la forme du texte, qui critique le discours de Gary Yourofsky dans son ensemble pour sa simple existence, le fait de supposer ses prétendues conséquences sur la cause animale, le fait qu'il faudrait ou pas le partager, se choisir d'autres icônes, etc. ça n'est absolument pas zététique. C'est prescriptif, pas descriptif, donc complètement hors du domaine de compétence.)