Concernant les vaccins, la science, la médecine, je voudrais juste parler de quelques représentations et croyances qui tournent autour du sujet, le tout sans agressivité, je promets. Par contre ça risque d'être long. Pour l'instant je voudrais faire part de quelques réflexions sur 2 choses qui me paraissent importantes dans le débat : ne pas confondre corrélation et cause, et se méfier de la façon dont certains individus et médias manipulent les émotions. J'annonce tout de suite que personnellement je suis en faveur des vaccinations, sauf contre-indication médicale du genre allergie (ceci même étant un argument pour que les autres, les non-allergiques, se vaccinent). Un peu comme la personne qui a écrit ceci
http://pourquoilecielestbleu.cafe-scien ... r-la-tete/ et qui conclut « on peut être, et c'est mon cas, pro-vaccination, sans pour autant se faire vacciner contre tout et n'importe quoi » (note qui n'a rien à voir : jetez aussi un œil sur le billet qui suit, « science et genre », il est pas mal). Après, vous faites ce que vous voulez.
Corrélation n'est pas cause
Souvent on entend ce genre d'argument : à telle époque on a commencé à vacciner les enfants contre X, et ils ont commencé à développer Y en masse, c'est donc nécessairement la faute du vaccin. Seulement l'explication que la vaccin est la cause des troubles observés ne va pas de soi. Exemple avec ce qu'on appelle l'effet cigogne : les départements français ayant le plus de cigognes serient aussi celleux ayant le plus fort taux de natalité. Pourtant je doute que quiconque ici tienne ceci pour la preuve irréfutable que les cigognes apportent les bébés (particulièrement pas celleux qui ont donné naissance...!). C'est parce qu'entre la variable « nombre de cigognes » et celle « nombre de bébés », il y a ce qu'on appelle une variable (ou facteur) de confusion. Vous l'aurez deviné peut-être : les cigognes vivent surtout dans les départements ruraux, et il se trouve que les départements ruraux ont des taux de natalité plus élevés (ce qui s'explique à son tour par des facteurs sociologiques, etc). Il n'y a pas de relation de causalité directe entre les cigognes et les bébés, en tout cas, aucune qu'on puisse prouver, alors que d'autres (entre cigognes et ruralités) sont démontrables. Si un-e scientifique en arrivait à cette conclusion devant vous, vous ne lèveriez pas le point en criant « je suis sûr-e que cette relation a été prouvée mais qu'on nous ment ! » ou « un jour ce sera prouvé ! » ou « c'est un complot ! », parce que dans ce cas simple, l'absence de causalité entre cigognes et bébés vous semble intuitive, évidente.
Avec les vaccins, comme on touche à des niveaux de la biologie que tout le monde, et c'est normal, ne maîtrise pas, l'absence de causalité semble beaucoup moins évidente à la plupart des gens. Et c'est là que plein d'individus plus ou moins bien intentionnés vont se mettre à jouer sur vos émotions pour influencer vos décisions (j'élaborerai plus loin).
Dans le cas de l'autisme, un prof médecin nous expliquait que d'après lui, la relation entre vaccins et autisme se passait plutôt comme suit : les vaccinations arrivent souvent à un âge où les attentes sociales et communicationnelles envers l'enfant gagnent en importance, et donc où les symptômes de l'autisme se manifestent plus sévèrement et attirent l'attention. En effet, vous le savez sûrement, la grande majorité des études penche maintenant vers l'interprétation selon laquelle les configurations neurologiques à la base de l'autisme sont présentes dès la naissance ; certains symptômes seraient visibles la première semaine de vie :
http://www.larecherche.fr/savoirs/dossi ... 1996-88095 ce qui n'empêche l'âge moyen au diagnostic d'être entre 5 et 6 ans :
http://www.egalited.org/ObtenirDiagnostic.html notamment car les médecins ne sont pas assez formés à reconnaître les signes plus tôt. Sur le même schéma qu'avec les cigognes et les bébés, il y aurait donc la variable « vaccination » et la variable « déclaration des symptômes », mais, entre les 2, plutôt qu'une causalité directe, la variable de confusion « âge de socialisation ».
@La personne qui parlait du vaccin ROR et des troubles ORL : je comprends que ça marque les mémoires, mais rien n'exclut qu'il y ait eu, par pure coïncidence, à ce moment-là, une variable de confusion, c'est-à-dire autre chose qui ait pu expliquer l'importance de troubles ORL. Exemple d'explications possibles :
- biais d'attention de la part des parents et soignant-e-s : si des inquiétudes par rapport au vaccin ont été exprimées avant ou pendant la vaccination, alors les parents ont pu se mettre à surveiller leurs enfants de très près, reportant tout symptôme au médecin plutôt que de hausser les épaules, de dire « ça va passer » et de passer une écharpe à leurs enfants.
- il y avait peut-être, à ce même moment, quelque chose dans l'air (pesticides ? Autres polluants ? Souche particulièrement virulente d'angines?) qui a provoqué les troubles ORL
- il y avait peut-être chez ces enfants une prédisposition (due à la génétique ou à l'environnement) qui a été activée par quelque chose dans le vaccin. Auquel cas le vaccin aurait participé au développement de symptômes, mais pas à la condition sous-jacente.
- le vaccin a effectivement provoqué à lui seul les troubles
- etc
dans énormément d'écrits anti-vaccins, vous verrez des arguments comme : « notre étude a montré que 90% des enfants autistes avaient été vaccinés, contre seulement 65% des non-autistes !!! », ou « juste après avoir fait vacciner son enfant, celui-ci est tombé gravement malade ! » (en insistant souvent lourdement sur le pathos pour que vos émotions vous fassent adhérer à 100% ; même procédé douteux quand les anti- créent des images de bébés tout transpercés d'aiguilles de seringues, etc). Eh bien, ce que vous avez là sont des corrélations, qui ne suffisent pas en elle-même à déduire qu'un lien de causalité existe. Pour cela il faut plonger dans les mécanismes biologiques, et, comme c'est complexe, il est facile de tromper le public en reformulant les choses de façon vague ou exagérée, en n'en présentant que certaines et pas d'autres, etc.... Un peu comme quand il s'agit de savoir si « le cerveau a un sexe » et que comme par hasard, les magazines s'emparent de la dernière étude parue, la vulgarisent à la hache, et concluent « ouaaaaaaaais le féminin et le masculin c'est dans les gènes, on a raison avec nos stéréotypes, hihi ! » (Voir l'excellent blog Allodoxia pour celleux que ça intéresse)
Pour la même raison (corrélation VS cause), quand vous me dites « j'ai pris de l'homéopathie et je vais mieux / j'ai pris de l'allopathie et je vais moins bien ! » tant mieux pour vous hein, mais pour moi ça ne prouve rien, et ça me convainc encore moins quand ce genre de traitements coûte €€€. Les médicaments classiques ont fait leurs preuves sur pas mal de monde et moi idem, selon des mécanismes, sinon 100% clairs, au moins plus explicables et plus reproductibles que ceux supposés dans l'homéopathie. Et non, personnellement je ne connais pas ces mécanismes (ou très peu) mais je fais plutôt bien confiance aux protocoles utilisés dans les tests d'efficacité. Sachant que reposent sur les mêmes principes épistémologiques : 1) les études qu'on jette avec une jubilation légitime à la face des carnistes pour leur prouver les bienfaits du véganisme et 2) les études que je me destine moi-même à mener, même dans un domaine qui n'a pas grand-chose à voir, ce serait hypocrite de ma part de leur tourner le dos.
Le recours aux émotions et le dogme du naturel
Une façon dont la science d'aujourd'hui pêche : elle a tant voulu se débarrasser de toute émotion humaine, tant dans ses protocoles - ce qui est raisonnable - que dans ses communications, qu'elle donne l'apparence de se détacher des préoccupations du grand public, alors même que politicien-ne-s peu scrupuleux/ses, pseudo-scientifiques et charlatans de tout poil (mettez qui vous voulez là-dessous) excellent dans l'image inverse, celle de la chaleur humaine, de l'empathie, de l'émotion, etc. Et même sans aller jusque là : je trouve que nombre de documentaires qu'on trouve aujourd'hui, notamment en ligne, abusent de ce côté-là aussi ... quel que soit leur sujet, par ailleurs, c'est pour ça que j'invite à la méfiance en général, j'espère que vous ne le prendrez pas trop mal. Exemples : Plans-séquences très courts, musique dramatique, témoignages "à vifs" de personnes qu'on ne connaît pas et dans des contextes également inconnus, enchaînements qui suggèrent des liens entre les éléments plutôt que de les démontrer, etc...(pour cette raison, personnellement je n'utiliserais pas Earthling en premier lieu pour faire prendre conscience de la nécessité du véganisme à quelqu'un : je ne trouverais pas cette démarche très honnête intellectuellement, de jouer d'abord sur le choc).
Pour celleux que ça intéresse, quelques lignes, en anglais, d'un jeune chercheur bien chagriné de cette tendance à l' "aseptisation" émotionnelle en sciences :
https://medium.com/@JohnSkylar/my-data- ... 052f33a4bf . Et c'est ce genre de trucs qui m'inquiète. J'ai déjà trop souvent entendu, de la part de toutes sortes de gens, le cliché « médecin = froid, arrogant, cupide, au service de l'industrie pharmaceutique VS médecine alternative = bonne, douce, naturelle, désintéressée, au service des gens ». Je sais bien que certains médecins nous traitent comme des bouts de viande, ça m'est arrivé aussi, et ce n'est pas acceptable ; bien sûr qu'il faut dénoncer et réfléchir à ce qui dans le système actuel les y conduit, mais de là à accuser ou renier tout l'édifice théorique et institutionnel de la médecine... J'ai peur, pour le dire très franchement, qu'un nombre non négligeable de végés (pas seulement elleux, mais bon, ici c'est le groupe qui nous concerne) tombent elleux aussi dans ce panneau et se détournent par principe des médecins et de la science - sauf quand ça les arrange, par exemple quand les résultats des mêmes scientifiques leur donnent des arguments contre les carnistes (qui méritent certes d'être remis-e-s à leur place, là n'est pas la question) …) Peut-être que je me trompe, j'espère même. À ce titre, on devrait sans doute se méfier du dogme du « naturel », comme le fait l'article de L'Elfe sur la B12 :
http://lesquestionscomposent.fr/b12-ent ... croyances/ , qui d'ailleurs établit un petit parallèle entre son sujet et le mouvement anti-vaccination :
« Pour compréhensible qu’il soit, l’engouement des gens pour le « naturel » confine parfois à l’absurde: plus c’est naturel, plus c’est bien. Le mouvement anti-vaccin, qui prend une ampleur de plus en plus inquiétante, semble se baser principalement sur l’idée que l’œuvre de la nature est nécessairement préférable aux interventions humaines, et que des maladies qui existent depuis très longtemps ne sauraient être plus dangereuses qu’une invention qui existe depuis quelques décennies à peine. C’est oublier que, de tous temps, les maladies ont tué ou handicapé beaucoup de monde, et de la façon la plus « naturelle » qui soit. »
Bon voilà, je suis pas biologiste, ni juge, je voulais juste soulever qu'il y a des rhétoriques douteuses, de la manipulation et des dogmes AUSSI du côté des médecines alternatives et des anti-vaccins, alors que jusque là j'ai surtout vu des critiques adressées à la médecine et à la science "classiques".
Je laisse un lien vers les résultats du site « café des sciences » pour le terme « vaccins », réflexions qui valent le détour notamment sur la notion risque / bénéfices :
http://www.cafe-sciences.org/?s=vaccins&submit=Search
Bon voilà, j'y ai passé 3h alors que je m'étais dit de faire rapide, tant pis
et à +