J'y connais rien en électricité alors égoïstement je me permets de ramener le sujet sur des sentiers que je connais mieux
Luisão":13skb8fm a dit:
Pour moi il n'y a pas de Bien ni de Mal en dehors de l'expérience humaine.
Tout à fait d'accord.
Ceux qui considèrent qu'il y en a sont religieux.
Moins d'accord. Religieux est un peu fourre-tout quand même. Si tu fais référence au texte biblique en tous cas:
La distinction Bien/Mal ainsi que la "honte" et autres formes de jugements n'interviennent qu'après le fameux épisode du fruit, ce qui suggère que Bien et Mal tels que nous pouvons l'entendre sont propres à l'humain en situation "d'exil". Ce qui revient à dire qu'ils n'existent que de manière relative à l'expérience humaine, aux limites de son entendement, à sa pensée dualiste. Voilà de l'exégèse à l'emporte-pièce (voir Ricoeur etc pour quelque chose de plus pointu).
Je ne faisais pas référence au texte biblique, mais au sentiment religieux d'après la définition la plus générale qu'il soit. C'est-à-dire la croyance en quelque chose d'irrationnel, qui ne peut pas être démontré logiquement. Croire qu'il existe un grand Bien qui nous dépasse (une "éthique absolue" pour reprendre les propos de Pers0nne ailleurs) je trouve ça irrationnel, et un peu présomptueux ("moi, je sais quelle est la finalité de l'univers", en gros). Pourquoi l'univers aurait-il le bien-être comme finalité ? Pourquoi pas l'autodestruction ? Pourquoi pas le chaos ? Qu'est-ce que ça peut bien lui foutre, tout ça, à l'univers, à l'absolu ? Comment savoir ?
Tout ce dont je suis certaine c'est que je veux vivre, je veux qu'on me laisse vivre correctement, et ça passe par une considération morale pour le vivant qui m'entoure (avec le postulat, l'espoir : si je fais preuve de considération pour ceux qui me ressemblent - les êtres sentients -, ceux qui le peuvent feront preuve de considération pour moi en retour car je leur aurai prouvé mes bonnes intentions envers ceux qui leur ressemblent - les êtres sentients - ; je leur aurai donc montré que l'on peut collaborer en toute confiance, donc efficacement).
Autrement dit, pour mettre en place une éthique de vie, on a deux choix :
- soit le faire avec pour critère ce qui semble le plus durablement favorable à notre propre existence (qui est notre seul absolu), même très indirectement (je considère que tendre vers le véganisme m'est indirectement favorable à terme).
- soit le faire avec pour critère quelque chose de totalement aléatoire, irrationnel, au mieux anthropomorphique ("qui profite le plus de l'existence ?", question de longévité, de conscience de sa propre vie, alors qu'à mon avis toute vie constitue le summum de l'intensité pour celui qui la vit, et en juger par rapport à nos valeurs à nous est sans pertinence) mais parfaitement indémontrable et surtout potentiellement dangereux pour nous si l'on va au bout de ce genre de conviction.
Sinon je suis d'accord avec toi en ce qui concerne la Bible et les gens qui agissent en fonction d'elle, je pense que ce genre de religiosité là reste anthropocentré. J'imagine qu'on est religieux parce qu'on croit que c'est pour notre propre bien, et pas pour une grande cause inhumaine.
janic":13skb8fm a dit:
Il n'y a pas de Bien ou de Mal en dehors du monde humain et des conséquences sur lui de son interaction avec son environnement.
C’est anticiper sur le sens que les autres animaux peuvent percevoir de ces notions !
Janic, pourrais-tu dans ce cas m'expliquer en quoi le "bien" et le "mal" pour les animaux non-humains aurait pour moi un quelconque intérêt, à partir du moment où leur état positif ou négatif n'aurait pas la moindre influence sur moi (= serait en dehors de mon monde humain) ?
Aurions-nous la moindre compassion pour les animaux si nous ne sentions pas que nous partageons avec eux quelque chose du monde humain (la sentience), si nous ne nous nous sentions pas menacés en tant qu'êtres sentients lorsqu'ils sont maltraités ?
Si quelque chose ne nous concerne pas (= ne nous menace pas et n'est pas non plus en notre faveur), ce n'est ni Bien, ni Mal, et n'a donc pas d'importance. C'est pour ça qu'à mon avis l'humain ne peut pas être retiré de l'équation végane. J'ai le sentiment que malgré tout ce que l'on peut dire sur la cause animale, l'humain reste toujours le fond du fond du problème. Je dirais même que c'est indispensable, et impossible de faire autrement, à moins de verser dans l'irrationnel comme dit plus haut (l'idée d'un grand Bien qui nous dépasse, ou d'une supériorité de l'animal non-humain sur l'humain - spécisme inversé quoi -, ou de la sentimentalité pure style "Oh mon dieu tuer les bébés veaux c'est trop horriiible !").
Pourquoi j'insiste sans cesse sur tout ça ? Parce que je me demande si remettre de l'humain dans le véganisme, réaffirmer l'humain comme fond et finalité de toute démarche morale (le centre restant bien entendu les animaux non-humains) ne nous aiderait pas à avoir une plus grande écoute de la part de la société. On dirait la même chose, mais en partant d'un biais différent. On commencerait par "le véganisme, c'est bon pour vous, et pas seulement niveau écologie et santé, mais niveau éthique" et ensuite on expliquerait tout, en commençant par l'idée d'antispécisme ("y a-t-il une justification logique aux discriminations ?") et en justifiant l'importance de cette idée par cette communauté de la souffrance entre eux et nous, cette idée de reflet de l'humain dans l'animal non-humain, de pacte de bien-traitance sans cesse renouvelé envers tout ce qui est sentient, humains compris, et ainsi l'interlocuteur n'oublierait jamais que même si on ne cesse de parler des animaux non-humains, il reste irrémédiablement concerné. C'est une idée qui m'obsède en ce moment, et je ne sais pas encore si elle est stérile, débile ou utile... Est-ce que ce n'est pas dans ce sens là - l'animal comme reflet de l'humain, l'homme comme animal, et tout le poids symbolique de cela, avec les conséquences pratiques vraisemblables - qu'il faut creuser avant tout, vu tous ces gens qui nous accusent de ne pas nous occuper des humains ? Je suis sûre que de vrais philosophes ont déjà réfléchi à cette question, à commencer par
Kant. Je ne pars pas des mêmes bases que lui (j'admets que les animaux sont conscients, alors que lui non ; il n'avait pas non plus compris que la vivisection est une absurdité ; et il semble avoir un discours esclavagiste), mais j'arrive à la même conclusion : "
Nos devoirs envers les animaux sont donc des devoirs indirects envers l'humanité". Je pense qu'il faudrait reformuler Kant, sans l'esclavagisme et le déni de conscience animale, et qu'il avait bel et bien senti quelque chose d'important.
Je crois que le texte de Kant a été vivement critiqué par les militants des droits des animaux (cf. l'
Anthologie d'Ethique animale de JBJV) parce que, selon moi, il heurtait leur sentiment (leur fierté) altruiste ("je ne fais pas ça pour moi [= pour l'humanité], mais pour les animaux"). Sauf que d'après moi être aussi complètement altruiste c'est impossible, c'est du suicide (formidable illustration de cette idée dans la série
House, saison 8, épisode 3 "Charity Case" - Pers0nne je te conseille vivement de le regarder si ce n'est pas déjà fait).
Mais bien sûr, lorsque l'on est suicidaire, le base absolue "je veux vivre" s'effondre, et alors on peut construire son éthique sur tout et n'importe quoi en fonction de ses lubies, puisque rien n'a d'importance (oui Pers0nne je suis allée voir ton blog
). Pourtant Pers0nne je crois que tu éprouves bel et bien un certain plaisir à vivre lorsque tu t'intéresses à la question animale, qui est de toute évidence un sujet qui te passionne. Dès lors ce ne serait peut-être pas si compliqué de faire coïncider ce plaisir de la réflexion avec la sauvegarde de ta capacité de réflexion, donc de ta vie, donc de toi-même, et de réconcilier ton véganisme avec une (lointaine) finalité égoïste, tout à fait acceptable et "normale".